Antoine Larousso

L A   M A I S O N   D U
B I E N -
 Ê T R E

Une question de goût...


Le goût est un sens relativement pauvre. Nos
3000 papilles gustatives ne nous permettent de goûter en effet que 4 saveurs (sucrée, salée, acide et amère) et ce que l'on appelle habituellement le goût relève en fait essentiellement de l'odorat. Essayez donc de manger avec le nez bouché! C’est toutefois le goût que nous invoquons lorsque nous parlons de nourriture. Goûter, c’est à la fois sentir la saveur d’un plat ou d’une boisson, apprécier quelque chose ou expérimenter pour la première fois un aliment. Le goût suppose une qualité et une diversité.

Extraits de l'Autre Choix
de Benoît Saint Girons
 


Avons-nous perdu le goût du goût ? C’est un grand paradoxe : le monde entier est disponible dans notre assiette et nous bénéficions du plus grand choix de produits de consommation de toute l’histoire de l’humanité. Pour la première fois, nous connaissons également davantage de problèmes d’obésité que de faim. Avec autant de choix et de pouvoir d’achat, notre civilisation pourrait être le paradis du goût. Pourquoi alors cette sensation qu’il n’en est rien ? Peut-être parce que 90% de notre alimentation se résume en réalité à une trentaine d’espèces végétales et 7 ou 8 espèces animales (faites le compte pour vous en rendre compte).
 

La faute en revient au système et à sa logique du profit maximum. « Actuellement, avec l’industrialisation, on fait de la cuisine avec seulement les nutriments les plus rentables : le sucre, la graisse, le sel, qui se conservent bien, ne valent rien sur le marché mondial et sont d’accès facile. […] Ce qu’on mange contient de moins en moins d’éléments protecteurs naturels […] d’où de nombreuses pathologies » résume Christian Boudan, auteur de Géopolitique du goût. Se fournir au moindre coût se traduit évidemment par un moindre goût…
 
 

 


Mais comment faire ensuite avaler des plats sans saveurs à des consommateurs que l’on souhaite fidèles et dépensiers ? Deux solutions : en amont, les arômes et les exhausteurs de goûts se chargeront de donner un semblant de vie aux préparations ; en aval, le marketing et la publicité feront croire à un produit de qualité supérieure. [...]  L’univers de l’artifice et du superficiel permet de sauver bien des apparences…
 


Est récemment sorti sur le marché un livre coup de poing : « Arômes dans notre assiette : la grande manipulation » de l’allemand Hans-Ulrich Grimm.  Qu’y apprenons-nous ? En gros, que la majorité des produits industriels, du chocolat du petit déjeuner au couscous du soir en passant par la soupe doivent leur goût à
la compétence de chimistes. Les arômes incorporés sont-ils au moins naturels ? Souvent oui (le terme « arômes artificiels » fait encore chez nous mauvais genre sur l’emballage) mais l’interprétation de « naturel » est parfois alambiquée : comme toute la production mondiale de fraise ne suffirait pas à aromatiser 5% des produits au goût de fraise des seuls Etats-Unis d’Amérique et comme en plus le goût de fraise supporte mal le temps, on utilise… des copeaux de bois d’Australie ! Le bois aussi est naturel, non ?

Et c’est ainsi que, bon an mal an, l’Union européenne consomme chaque année 170 000 tonnes d’arômes industriels, auxquelles il faut ajouter 95 000 tonnes de glutamate, le célèbre exhausteur de goût qui ravit tant les papilles… Comme le souligne Grimm, le problème est que notre sens du goût a aussi pour vocation de nous prémunir contre les aliments non consommables, l’amertume agissant, par exemple, comme un signal d’alerte. « Si on la masque, l’organisme risque d’absorber des produits qui lui sont préjudiciables » dénonce l’auteur.

 

 

 


Tout ceci est d’autant plus regrettable que notre civilisation pourrait effectivement être le paradis du goût. C’est nous, consommateurs qui avons en effet le choix et le portefeuille. Imaginons un monde où le consommateur prendrait le soin de déchiffrer les étiquettes, de rejeter le chimique (c'est-à-dire généralement tout nom incompréhensible), de se moquer des publicités, de respecter les saisons et de prêter moins attention au prix qu’au rapport qualité-prix. Le système ne serait-il pas obligé de s’adapter ? Déjà, des prémisses d’améliorations sont visibles et des groupes industriels se diversifient avec des gammes de produits plus naturels…
 

En attendant une généralisation de la qualité, nous aurions tout avantage à privilégier les
produits artisanaux, du terroir, issus de l’agriculture raisonnée ou de qualité biologique. Les labels Bio ne sont pas sans défauts (certains produits bio peuvent par exemple incorporer aussi des arômes naturels) mais ils offrent une sécurité de base et la garantie d’un certain degré de respect de la nature. Les produits Bio se multiplient, les points de vente (magasins ou marchés) surgissent un peu partout et les prix baissent : n’est-ce pas l’occasion de redécouvrir le goût du naturel ?

« Est-ce vous CONSommateurs, qui avez exigé des tomates à la consistance du carton en décembre, des fraises à la chair de navet dès les premiers jours de février, et en mars des pêches aussi fermes qu’une boule d’escalier ? « ils » l’affirment, peut-être n’ont-« ils » pas tout à fait tort, « ils » savent ce que vous êtes par ailleurs capables d’acheter et d’ingurgiter comme saloperies.»  écrit Jean-Pierre Coffe dans son livre CONsommateurs, révoltons-nous!
 
 

 


Pourquoi ne pas aussi profiter de l’occasion afin de varier ses goûts ? Si je cuisine, j’ai à ma dispositions des dizaines d’épices et d’aromates différents. Si j’aime le thé, pourquoi me cantonner alors à un seul thé ? Même chose avec le café, le chocolat, la confiture, le whisky, le vin ou les cigares : quoi de plus triste que de rester fidèle à un seul produit tout au long de sa vie ? La consommation, ce n’est pas le mariage et les habitudes n’interdisent pas les infidélités !
 

Il est aussi très stimulant de se lever le matin en se demandant ce que l’on va bien pouvoir goûter de nouveau au cours de la journée. La prochaine fois que vous faites vos courses, pourquoi ne pas sciemment choisir des marques inconnues et vous lancer ainsi dans l’aventure et
l’exotisme culinaire ? Il y a fort à parier que vous y découvrirez de nouveaux plaisirs... Enfin, si vous vous trouvez devant un aliment inconnu, et même s’il s’agit comme pour moi au Laos de cafard grillé, goûtez-le ! Ce sera peut-être mauvais mais au moins vous aurez appris quelque chose…

Vous pouvez aussi stimuler vos papilles en frottant le bout de votre langue avec des aliments de différentes saveurs : un morceau de chocolat, de fromage, un fruit ou un légume… Fermez les yeux et concentrez-vous sur les sensations ressenties. Un autre exercice serait de tester en aveugle les différentes variantes d’un même produit : de trois à cinq chocolats, thés, cafés, vins, salades, pommes ou eaux minérales par exemple. Nous avons bel et bien le choix lorsque nous nous le laissons…
 

 


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